Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

La faute inexcusable de l'employeur en droit de la sécurité sociale: définition, régime et conséquences

Publié le par nicolasbodineau.over-blog.com

 

 

Article L452-1 du Code de la Sécurité Sociale : « Lorsque l’accident est dû à la faute inexcusable de l’employeur ou  de ceux qu’il s’est substitués dans sa direction, la victime ou ses ayants droits ont droit à une indemnisation complémentaire dans les conditions définies aux articles suivants. »

 

 

 

I / DEFINITION

 

         A) La définition jurisprudentielle

 

La définition de la faute inexcusable a été donnée par des arrêts de la chambre sociale de la Cour de cassation des 28 février 2002 et du 11 avril 2002.

 

Il ressort de ces arrêts :

 

que l’employeur est tenu envers son salarié d’une obligation de sécurité de résultat Cette obligation de sécurité existe également dans le cas où le salarié serait au service d’une autre société. C’est à l’employeur de s’assurer que son salarié n’est pas exposé à un risque. Elle s’applique aussi pour les centres d’aide au travail et les lycées professionnels.

 

 

que le manquement à cette obligation a le caractère de la faute inexcusable dès lors que l’employeur avait ou aurait du avoir conscience du danger auquel le salarié et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver.

 

Dans un arrêt du 31 octobre 2002 (n°00-18359), la Cour de cassation a affirmé qu’il importait peu que la faute de l’employeur ait été la cause déterminante. Il suffit qu’elle ait été la « cause nécessaire ».

 

Dès lors, il importe peu que la cause déterminante de l’accident ait été la faute du salarié qui a violé les consignes de sécurité édictées par l’employeur et reçues par lui (Civ. 2e 12 mai 2003 n°01-21071).

 

Les arrêts définissant la faute inexcusable ont été motivés sur le fondement de l’article 1147 du Code Civil et l’article L4121-1 et suivants du Code du Travail relatifs aux principes généraux de prévention en matière d’hygiène et de sécurité.

 

 

 

         B) Caractérisation

 

Le critère déterminant est donc la conscience du danger par l’auteur de la faute.

 

Il en est ainsi lorsque l’employeur ne procède pas à l’entretien d’un engin, notamment de son dispositif de sécurité et que ce dernier ne prend pas les mesures nécessaires pour protéger le salarié du danger (Civ. 2e 31 mai 2006 n°04-30654).

 

La faute inexcusable ne peut être retenue que s’il y a négligence, volontaire ou non imputable à l’employeur.

 

Il ne suffit pas que l’employeur ait pris des mesures pour protéger les salariés ; encore faut il qu’il ait pris les mesures NECESSAIRES (Civ. 2e 16 septembre 2003 n°02-30670).

 

La victime doit apporter la preuve de l’existence de deux éléments :

 

la conscience du danger

l’absence de mesures de prévention et de protection

 

La victime ne bénéficie pas de présomption de faute inexcusable. Elle supporte la charge de la preuve de ces deux éléments (Civ. 2e 8 juillet 2004 n°02-30984).

 

Il existe quatre tempéraments à cette règle :

 

il y a de droit faute inexcusable de l’employeur lorsque le CHSCT avait signalé le risque qui s’est matérialisé (L4131-4 du Code du Travail)

 

il y a nécessairement conscience du danger lorsque l’inspection du travail avait imposé à l’employeur de prendre les mesures nécessaires à la prévention du risque qui s’est réalisé

 

en cas de condamnation pénale de l’employeur ou de son préposé pour le non respect des règles relatives à la sécurité, la conscience du danger est présumée (Soc. 21 juillet 1986 n°85-11775) [il convient de préciser qu’en cas de relaxe au pénal, les juridictions de Sécurité Sociale peuvent néanmoins retenir la faute inexcusable]

 

l’existence de la faute inexcusable de l’employeur est présumée établie pour les salariés mis à disposition d’une entreprise utilisatrice par une entreprise de travail temporaire, ou embauchés en CDD et affectés à des postes présentant des risques particuliers pour leur santé ou leur sécurité dès lors qu’ils n’ont pas bénéficié de la formation à la sécurité renforcée de l’article L4141-2 du Code du Travail

 

L’appréciation de la conscience du danger se fait in abstracto. Par conséquent, la conscience du danger n’est pas celle que l’employeur a eue du danger crée mais celle qu’il devait ou aurait dû normalement avoir de ce danger en tant qu’employeur normalement prudent et diligent (Soc. 9 novembre 1988 n°87-12659).

En particulier, la faute inexcusable de l'employeur résulte de l'inobservation des lois et règlements tendant à assurer la sécurité des travailleurs (Soc. 5 mars 1986, n° 84-16127).

 

Il convient de noter que la tendance actuelle de la Cour de cassation en matière de faute inexcusable est de faire peser sur l’employeur une obligation de sécurité quasi absolue sur les lieux de travail.

 

Ainsi, un arrêt du 22 janvier 2009 a retenu la faute inexcusable de l’employeur d’une surveillante scolaire, qui, alors qu’elle gravissait quatre marches qui menaient au bureau de sa supérieur hiérarchique a chuté en l’absence de rampe le long de cet escalier.

 

 

 

II / LE REGIME DE L’ACTION EN RECONNAISSANCE DE LA FAUTE INEXCUSABLE DE L’EMPLOYEUR

 

 

le rôle de la Caisse

 

La Caisse peut tout d’abord mettre en œuvre une procédure de conciliation tant en ce qui concerne l’existence de la faute inexcusable ainsi que sur le montant de la majoration.

 

Dans le cas d’une saisine des juridictions de sécurité sociale, il appartient à la victime d’appeler la Caisse en déclaration de jugement commun. Il s’agit d’une règle de procédure impérative (Crim. 5 novembre 1985 n°84-90626).

 

 

         B) la prescription

 

Elle est de 2 ans à compter :

 

soit du jour de l’accident ou de la première constatation médicale de la maladie

soit de la cessation du travail

soit du jour de la clôture de l’enquête

soit du jour de la cessation du paiement des indemnités journalières

 

Elle est interrompue en cas :

 

de saisine de la Caisse pour conciliation (Soc. 17 juin 1993 n°91-10762)

d’action en reconnaissance du caractère professionnel de l’accident (L431-2 CSS)

de saisine du TASS

d’initiative du représentant légal d’introduire une action en reconnaissance du caractère professionnel de l’accident

d’action pénale engagée contre l’employeur pour les faits susceptibles d’entraîner la reconnaissance d’une faute inexcusable

 

L’action de la Caisse en remboursement des prestations versées à la victime d’une faute inexcusable contre l’employeur est soumise à la prescription de droit commun de 5 ans.

 

 

III / LES CONSEQUENCES DE LA RECONNAISSANCE DE LA FAUTE INEXCUSABLE

 

 

La majoration de la rente

 

En cas de reconnaissance de la faute inexcusable, la victime ou ses ayants droit peuvent prétendre à une majoration de rente qui s’ajoute à la rente forfaitaire.

 

Cette majoration est de droit sauf à caractériser l’existence d’une faute inexcusable de la victime.

 

La majoration est payée par la Caisse qui en récupère le montant par l’imposition d’une cotisation complémentaire.

 

 

La réparation du préjudice

 

1. Les victimes

 

Cf article relatif à l’incidence du Conseil Constitutionnel du 18 juin 2010)

 

2. Les ayants droit

 

L’expression d’ayants droit ne concerne que les personnes visées aux articles L434-7 à 434-14 du Code de la Sécurité Sociale pouvant prétendre à des prestations en cas de décès accidentel ou celles qui peuvent recevoir une indemnisation en cas d’accident mortel dû à la faute inexcusable de l’employeur.

 

Les ayants droit sont :

 

conjoint, concubin, pacsé dans les conditions et suivant les limitations posées par les articles L434-8 et 9 du Code de la Sécurité Sociale

Article L434-10 du Code de la Sécurité Sociale : « Les enfantslégitimes, les enfants naturels dont la filiation est légalement établie et les enfants adoptés ont droit à une rente jusqu’à un âge limite. »

Les ascendants s’ils rapportent la preuve d’être dans l’une des situations énumérées à l’article L434-13

 

Si l’un des ayants droit au sens civil n’a pas cette qualité au sens du droit de la sécurité sociale, il doit porter son action en indemnisation de son préjudice devant les juridictions de droit commun.

 

En plus de l’éventuelle réparation du préjudice moral des ayants droit, la Cour de cassation a également consacré leur droit à demander la réparation du préjudice moral subi par la victime qui n’a pas eu le temps d’exercer cette action en cas de faute inexcusable de l’employeur à l’origine du décès de la victime (Civ. 2e 11 octobre 2005 n°JCP S 2006. 1014).

Commenter cet article
A
Bonjour,<br /> Certains employeurs font semblant d'ignorer la loi. Comme si ils n'en sont pas conscient et c'est cela qu'un travailleur aura besoin d'un avocat.
Répondre